
"Bon nombre de citoyens français sont persuadés que les nuées de guerriers rapaces qui depuis le Nord vinrent s'abattre alors sur la patrie l'ont brisée, violée, asservie, que ces soudards la traitèrent comme l'étaint il y a peu les colonies, la piétinant, l'exploitant, détruisant sciemment une culture brillante dont il ne reste que des ruines, persuadés aussi que la religion cathare, que l'on connaît mal et dont on exagère sans doute les vertus, constituait l'une des expressions majeures de la culture de leurs ancêtres. (...)
En insistant principalement sur un fait incontestable : les croisés ne vinrent pas de France sur l'ordre de l'Etat, dans l'intention de coloniser, d'annexer cette partie du royaume. Au temps où Guillaume de Tudèle pris la plume, le roi capétien avait d'autre soucis. (...)
Si les barons prirent la croix, s'il laissa son fils la prendre et partir pour le Sud après la victoire de Bouvines, ce fut dans le seul espoir d'attirer sur ses sujets les faveurs du Ciel en permettant que s'accomplît une oeuvre pie. Les expéditions n'eurent jamais qu'un but, religieux : rétablir la paix de Dieu. (...)
Il est sûr en tout cas que, non seulement pour ceux qui répondirent à l'appel du pape, mais pour l'immense majorité des habitants de ces régions, à commencer par les deux auteurs de la Canso, il était urgent de liquider les routiers et d'extirper l'hérésie. (...)
Pour en venir à bout, la papauté jugea qu'il fallait substituer de bons catholiques aux seigneurs suspects d'hérésie, donc exproprier ceux-ci, offrir leurs pouvoir à qui voudrait les saisir, "exposer en proie" les terres contminées. (...)
Il est notable qu'aucun des barons français n'en voulut. Ils avaient rempli leurs obligaions de croisade, ils ne songeaient qu'à rentrer chez eux. Seuls demeura une petite bande d'illuminés conduite par Simon de Montfort, sa parenté et ses amis. Ces fous de Dieu entendaient racheter un échec (croisade).(...)
Ils se sentaient désormais tenus de poursuivre ici au moins l'"affaire de la foi". Ils le firent sans pitié. Et sans cupidité non plus. (...) (il n'en sera pas de même des aventuriers, notamment des pays rhénans qui arrivèrent par la suite).
Raymond VII, réconcilié avec l'Eglise et promettant de combattre de touite force le catharisme, le tout jeune roi Louis IX restitua le comté en 1229. Aucun de ses conseillers ne se fût senti le droit de l'annexer au domaine royal, aucun d'ailleurs n'eût jugé qu'il fût profitable de le faire. (...)
Tout le monde croyait que l'hérésie serait bientôt définitivement déracinée, tout le monde était assuré que le pays, soutenu par la vivacité de sa culture, guidé par son prince, ne perdrait jamais son identité. Personne ne pouvait imaginer que Raymond VII n'aurait qu'un héritier légitime, que ce serait une fille, que cette femme demeurerait stérile, que son héritage reviendrait pour cela au lignage de son mari, lequel était le frère du roi de France. Il était plus difficile encore de penser que, dans le Languedoc ainsi rattaché par hasard à la couronne, le rayonnement de Paris, le désir de faire carrière, la volonté de vivre comme on vivait à la cour et de parler le langage du souverain feraient s'étioler rapidement la culture occitane."
GEORGES DUBY - Préface de "La Chanson de la Croisade Albigeoise", Lettres Gothiques.
Voici un point de vue que je partage.
Et vous, qu'en pensez-vous ?
PS : Georges DUBY n'est pas un nouveau membre du forum.
En insistant principalement sur un fait incontestable : les croisés ne vinrent pas de France sur l'ordre de l'Etat, dans l'intention de coloniser, d'annexer cette partie du royaume. Au temps où Guillaume de Tudèle pris la plume, le roi capétien avait d'autre soucis. (...)
Si les barons prirent la croix, s'il laissa son fils la prendre et partir pour le Sud après la victoire de Bouvines, ce fut dans le seul espoir d'attirer sur ses sujets les faveurs du Ciel en permettant que s'accomplît une oeuvre pie. Les expéditions n'eurent jamais qu'un but, religieux : rétablir la paix de Dieu. (...)
Il est sûr en tout cas que, non seulement pour ceux qui répondirent à l'appel du pape, mais pour l'immense majorité des habitants de ces régions, à commencer par les deux auteurs de la Canso, il était urgent de liquider les routiers et d'extirper l'hérésie. (...)
Pour en venir à bout, la papauté jugea qu'il fallait substituer de bons catholiques aux seigneurs suspects d'hérésie, donc exproprier ceux-ci, offrir leurs pouvoir à qui voudrait les saisir, "exposer en proie" les terres contminées. (...)
Il est notable qu'aucun des barons français n'en voulut. Ils avaient rempli leurs obligaions de croisade, ils ne songeaient qu'à rentrer chez eux. Seuls demeura une petite bande d'illuminés conduite par Simon de Montfort, sa parenté et ses amis. Ces fous de Dieu entendaient racheter un échec (croisade).(...)
Ils se sentaient désormais tenus de poursuivre ici au moins l'"affaire de la foi". Ils le firent sans pitié. Et sans cupidité non plus. (...) (il n'en sera pas de même des aventuriers, notamment des pays rhénans qui arrivèrent par la suite).
Raymond VII, réconcilié avec l'Eglise et promettant de combattre de touite force le catharisme, le tout jeune roi Louis IX restitua le comté en 1229. Aucun de ses conseillers ne se fût senti le droit de l'annexer au domaine royal, aucun d'ailleurs n'eût jugé qu'il fût profitable de le faire. (...)
Tout le monde croyait que l'hérésie serait bientôt définitivement déracinée, tout le monde était assuré que le pays, soutenu par la vivacité de sa culture, guidé par son prince, ne perdrait jamais son identité. Personne ne pouvait imaginer que Raymond VII n'aurait qu'un héritier légitime, que ce serait une fille, que cette femme demeurerait stérile, que son héritage reviendrait pour cela au lignage de son mari, lequel était le frère du roi de France. Il était plus difficile encore de penser que, dans le Languedoc ainsi rattaché par hasard à la couronne, le rayonnement de Paris, le désir de faire carrière, la volonté de vivre comme on vivait à la cour et de parler le langage du souverain feraient s'étioler rapidement la culture occitane."
GEORGES DUBY - Préface de "La Chanson de la Croisade Albigeoise", Lettres Gothiques.
Voici un point de vue que je partage.
Et vous, qu'en pensez-vous ?
PS : Georges DUBY n'est pas un nouveau membre du forum.