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le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 14 Nov 2012, 15:18
par Guillaume de Pensac
Tests de coups de taille à l’épée.
A l'occasion d'une prestation médiévale devant un public, nous avons effectué avec une épée affûtée des tests de taille sur un billot de bois. Pour ce faire nous avions à notre disposition une réplique d'épée XIIIe s (Type XII).(n° inven. 80.87.4) Musée Denon.
Plusieurs essais de frappe se sont révélés infructueux, quand nous avons porté les coups à proximité de la pointe ( dans la partie forte de l'épée). L’épée rebondissait toujours sur le billot sans l’attaquer. L’arme n’est rentrée dans le billot que quand nous avons positionné la pointe de la lame, à 25 cm environ du point d’impact. La partie hachurée au feutre sur la lame montre la zone où les coups de tranche sont les plus puissants.
Le test a été renouvelé à Chalon-sur-Saône, et pour être exhaustif nous avons poursuivi ce test avec une autre réplique d’épée du IXe siècle ( n° inven.90.2.149. Musée Denon.
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Nous pouvons en déduire que :
- L’épée XIIIe siècle est inefficace pour trancher, entre sa pointe et 22cm, c'est à dire, dans le parie dite "forte".
- L’épée IXe siècle tranche sur toute la longueur de la lame.

Pour les deux lames, les coups sont les plus puissants quand ils sont portés à proximité du centre optimum de percussion (ou centre de frappe).

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 14 Nov 2012, 15:44
par Loup de Puilaurens
Génial, Guillaume.
Je fais toujours un test, sur mes lames.
Il suffit de frapper la lame du plat de la main, et de regarder ou elle vibre.
Il existe, en effet, un point situé à environ 20 ou 25 cm de la pointe, pour une « une main et demie », qui ne vibre pas. Notion de « ventre et de nœud », propre à tout ce qui vibre.
Merci de nous faire partager ton expérience.

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 14 Nov 2012, 15:51
par Raimond Roger Trencavel
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Bonjour Guillaume de Pensac

Je suppose que dans ta précipitation de nous faire partager cette expérience, fort intéressant d'ailleurs, je crois que sauf erreur de ma part, tu as interverti le fort et le faible de l'épée. :hein39:




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Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 14 Nov 2012, 16:03
par Loup de Puilaurens
Raimond Roger Trencavel a écrit:.
Bonjour Guillaume de Pensac
Je suppose que dans ta précipitation de nous faire partager cette expérience, fort intéressant d'ailleurs, je crois que sauf erreur de ma part, tu as interverti le fort et le faible de l'épée. :hein39:
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Euh, je partage cet avis.
Ce qui me laisse à penser que le « fort » de l’épée n’était pas forcément aiguisé.
Il est vrai, cependant, que mon expérience me rapproche plus des sabres japonais, Katana.
On nous enseignait que la partie « active », c’est les dix derniers centimètres du bout de lame, qui descend à près de 200 km/heure.
Il me reste à tester leurs modes de vibrations qui semblent s’apparenter à celui des épées viking.

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 15 Nov 2012, 10:36
par Guillaume de Pensac
Effectivement, autant pour moi. En ce moment mon cerveau est embrouillé !

Le "fort" est bien la partie de la lame qui se trouve à proximité de la garde, alors que le "faible" est la partie à proximité de la pointe. Merci d'avoir fait la rectification.

A titre d'info, l'original de l'épée XIIIe s ( la pièce de fouille) a un poids de 821 g.

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 15 Nov 2012, 10:37
par Hartmod
L’épée XIIIe siècle est inefficace pour trancher, entre sa pointe et 22cm, c'est à dire, dans le parie dite "forte".

C'est le contraire, le fort c'est vers la garde.

Ce qui me laisse à penser que le « fort » de l’épée n’était pas forcément aiguisé.

Il faut se référer aux pièces archéologiques dans les musées qui sont parfois bien conservés.

Mon domaine c'est l'étude des traités d'escrime, en particulier ceux des 14ème et 15ème siècle.
Dans ces traités le fort d'une épée n'est jamais utilisé pour faire une frappe. Il faut frapper avec la pointe (le faible de la lame).
En revanche le fort s'est à faire des entailles (schnitt), par exemple sur les poignets avec des techniques comme le presse-main (passage d'une entaille basse à l'entaille haute).
Pour ceux qui ne savent pas une entaille ce n'est pas une taille (une frappe), c'est le fait de poser son tranchant sur l'adversaire et de "scier" comme lorsque l'on découpe son beefsteak.
Dans l'escrime de Liechtenauer il y a 3 moyens de blesser : taille, entaille et estocs. Donc parle des 3 vulnérants.

Donc oui il est possible de blesser avec tout le tranchant du épée, mais pas de la même manière.
Et oui il existe des épées qui ne sont pas affutés au niveau du fort (mais du coup on ne peut plus faire d'entaille avec).
Il y a même des épées avec une partie de l'épée non affutée vers le milieu de la lame. Ce sont des épées conçu spécialement pour le combat en demi-épée (pour le combat en armure).

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 15 Nov 2012, 10:38
par Hartmod
Ce qui me laisse à penser que le « fort » de l’épée n’était pas forcément aiguisé.

Il faut se référer aux pièces archéologiques dans les musées qui sont parfois bien conservés.

Mon domaine c'est l'étude des traités d'escrime, en particulier ceux des 14ème et 15ème siècle.
Dans ces traités le fort d'une épée n'est jamais utilisé pour faire une frappe. Il faut frapper avec la pointe (le faible de la lame).
En revanche le fort s'est à faire des entailles (schnitt), par exemple sur les poignets avec des techniques comme le presse-main (passage d'une entaille basse à l'entaille haute).
Pour ceux qui ne savent pas une entaille ce n'est pas une taille (une frappe), c'est le fait de poser son tranchant sur l'adversaire et de "scier" comme lorsque l'on découpe son beefsteak.
Dans l'escrime de Liechtenauer il y a 3 moyens de blesser : taille, entaille et estocs. Donc parle des 3 vulnérants.

Donc oui il est possible de blesser avec tout le tranchant du épée, mais pas de la même manière.
Et oui il existe des épées qui ne sont pas affutés au niveau du fort (mais du coup on ne peut plus faire d'entaille avec).
Il y a même des épées avec une partie de l'épée non affutée vers le milieu de la lame. Ce sont des épées conçu spécialement pour le combat en demi-épée (pour le combat en armure).

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 15 Nov 2012, 11:38
par Loup de Puilaurens
Très intéressant, Hartmod, peux-tu situer le moment où l’on passe d’une escrime de taille à une escrime d’estoc ?

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 15 Nov 2012, 11:58
par Hartmod
Chez Liechtenauer, tu trouveras cela dans la section 11 des traités :
http://amhedumaine.free.fr/docs/manuel_escrime.pdf (page 25 du PDF)
Ce document est une synthèse de 5 traités :
4 d'entre eux sont regroupés dans un tableau ici car ils son très ressemblants être eux : http://ardamhe.free.fr/biblio/Tetraptyque.pdf (page 21 du PDF)
Et l'autre est ici : http://ardamhe.free.fr/biblio/MS3227a/MS-3227a.pdf (page 10 du PDF il évoque les différents vulnérants)

Tu peux t'amuser à chercher "taille" , "estoc" ou "entaille" dans ces documents pour voir les cas d'utilisation.

****

Donc la section 11 traite du bon choix des 3 vulnérants ("dreÿ wunder" en allemand). http://ardamhe.free.fr/article/liechty/wunder.htm
C'est surtout une histoire de distance.
L'estoc celui qui te permet de toucher de plus loin, vu qu'il faut placer la pointe devant la cible avant d'estoquer. L'estoc peut très bien toucher après une frappe, c'est le cas du coup furieux (zornhau) ou plutôt de la pointe furieuse (zorn ort). Par exemple ici, l'estoc n'est pas donné depuis une garde, ce n'est pas un long estoc bien visible. Mais c'est une frappe qui permet de placer la pointe juste devant le visage. Et l'estoc est fait ensuite : http://www.youtube.com/watch?v=MOnd4Ki-Ma8
La taille est un peu plus proche de 20/30cm vu qu'il faut frapper avec le faible (les 20/30cm de lame près de la pointe).
L'entaille encore plus proche et est particulièrement utile sur une adversaire qui entre au contact.

Dans le texte tu verras que les maîtres disent que si un des vulnérants est parré il faut utiliser un autre. Donc ne pas faire que des tailles ou que des estocs. Mais certaines pièces montrent tout de même des enchainements d'estoc et des enchainements de taille. Je pense qu'il s'agit surtout d'être à l'aise avec ces 3 vulnérants et de passer à sa guise de l'un à l'autre de la manière la plus appropriée.
Pour illustré il y a même une pièce proposée où l'on place les 3 vulnérants l'un après l'autre.

***

Tu trouveras ici un petit post sur mon forum sur les fondamentaux de l'escrime à l'épée longue selon Liechtenauer : http://escrimeurs-libres.fr/forum/viewt ... ?f=6&t=756

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 15 Nov 2012, 12:30
par Loup de Puilaurens
Je vais éplucher tous tes liens avec ferveur.
Une question que je me suis souvent posé concerne la forme des épées à travers les âges.
Les Grecs avaient des épées pointues, les Romains des glaives pointus.
Bizarrement, les Vikings utilisent (ou est-ce le fait que le pointes se sont détériorées) des épées au bout arrondi. L’usage du bouclier peut, en partie, expliquer la chose, j’imagine qu’il n’existait pas, à proprement parler, d’escrime, peut-être parce que la résistance de l’acier ne le permettait pas.
Merci, en tous cas, pour ton intervention.

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 15 Nov 2012, 13:01
par Hartmod
Les épées vikings sont clairement destinées à la taille. Cependant un coup d'estoc doit franchement faire mal aussi :)
Pour l'escrime, je pense qu'il y en a toujours eut, vu qu'il y en avait durant l'antiquité, ce n'est pas concevable que des gens à s'entretuer avec des armes sans s'entrainer avant. Les vikings étaient par exemple très fervant de duel : Einvigi et Holmgang.
Un groupe français s'en fait la spécialité :
http://amheonweb.net/forum/viewtopic.php?f=7&t=48
http://amhedumaine.free.fr/forum/viewfo ... 027c002d06

L'estoc gagne de l'importance avec le temps. La qualité de la métallurgie augmentant au fil des siècle va permettre de :
- faire des épées plus longue et fine => donc de les tenir à deux mains
- faire de meilleures armures, les armures de plate articulée => bouclier moins utile

Au 15ème siècle l'escrime comprend autant d'estoc que de taille.
C'est au 16ème siècle que l'estoc devient plus important que la taille petit à petit, au 17ème la rapière peut tuer d'estoc mais seulement blesser de taille, au 18ème l'épée de cour n'est plus qu'utiliser d'estoc. Même pour le sabre militaire qui est plutôt une arme de taille, Napoléon recommandait à ses cavaliers d'estoc car les blessures étaient plus mortelles : transpercer le corps d'estoc, au lieu d'une grosse entaille dont on avait plus de chance de se remettre.

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 15 Nov 2012, 18:55
par Loup de Puilaurens
Passionnant, Hartmod. J’avais une certaine vue de la rapière, avec main gauche, j’avoue cependant ne pas avoir une connaissance de l’histoire de l’épée qui dépasse le XIV siècle.

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 16 Nov 2012, 18:57
par Guillaume de Pensac
C'est passionnant de parler épée avec vous !
Il faut dire que je ne suis pas un spécialiste de l'escrime et que j'ai beaucoup à apprendre de ceux qui pratiquent le combat à l'épée. De plus, si vous êtes escrimeur ou adepte du sabre japonais il se peut que vous ayez une vision quelque peu différente de celle du cinéma et des combats en prestations médiévales.
C'est pourquoi ce que nous apprend Hartmod m’intéresse au plus haut point.

Pour ma part j’ai surtout étudié les épées du Xe », XIe, XII, et XIIIe siècle du Musée de Chalon-sur-Saône. Paradoxalement les épées qui ne sont pas trop oxydées ont conservé leurs tranchants intacts (sans aucune dent).

Nous nous sommes posés plusieurs questions :
- Est-ce qu’une épée de guerre, à ces époques, étaient-elles conçues pour tuer et non pour « ferrailler » ?
- Est-ce que l’on parait les coups avec le bouclier et non avec l’épée ?
- Est-ce que le jeune garçon, futur chevalier, recevait un apprentissage de plusieurs années de la part d’un maître d’armes expérimenté pour apprendre à étudier son adversaire, à déceler des défauts et à le tuer en un ou deux coups d’épée ?
- Est-ce que les techniques du combat à l'épée étaient conçues dans le même esprit que le combat au sabre japonais ?

Les sabres japonnais n'ont pas de dents. Cela pourrait expliquer pourquoi les tranchant de nos épées sont intacts.

Qu’elles sont vos explications ?

Mon ami Loup, au risque de t’ennuyer par la longueur du texte, j’ai fait, sur un autre post la description de l’épée XIIIe s que je porte dans les prestations.

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 16 Nov 2012, 19:33
par Loup de Puilaurens
Guillaume de Pensac a écrit:Mon ami Loup, au risque de t’ennuyer par la longueur du texte, j’ai fait, sur un autre post la description de l’épée XIIIe s que je porte dans les prestations.

M'ennuyer, en aucune façon mon ami. Bien au contraire, c’est un sujet passionnant. Un respect réciproque, un échange courtois, vos interventions très documentées.
Que du bonheur !

Re: le "faible" et le "fort" de l'épée.

MessagePublié: 21 Nov 2012, 12:25
par Vincent du Lherm
Guillaume de Pensac a écrit:Nous nous sommes posés plusieurs questions :
- Est-ce qu’une épée de guerre, à ces époques, étaient-elles conçues pour tuer et non pour « ferrailler » ?

- Est-ce que les techniques du combat à l'épée étaient conçues dans le même esprit que le combat au sabre japonais ?

Les sabres japonnais n'ont pas de dents. Cela pourrait expliquer pourquoi les tranchant de nos épées sont intacts.


Je me permet d'intervenir parce que je vois quelques questions auxquels j'ai peut être quelques elements de reponses. Une épée était plutot faite pour tuer, d'abord peu en possedaient, puis elle donne l'avantage sur le couteau, le baton mal manié et foule d'autre armes... C'est pour l'epoque l'equivalent d'une arme de haute technologie aujourd'hui... Si on depense plus et met en oeuvre plus de moyens c'est pour gagner en efficacité "meurtrière", je pense que c'est une logique constante de tout temps dans l'armement, hors apparat bien sur... Les protections des plus riches font qu'ils se font capturer a la bataille après blessures au lieu d'y rester je pense...

Pour les techniques medievales de ce que j'en ai vu on retombe sur les meme notions de distance et de timing, mais les arts martiaux sont les arts martiaux c'est normal, toutefois je notes que la notion de contre dans l'attaque me semble très developpé dans les deux systèmes, c'est dans les attitudes corporelles (garde, maintien) et la manière de se deplacer que les differences se situent.

Les sabres japonais n'ont pas de dents car ils sont affutés par de grand artistes avec des pierres, a grain de plus en plus petit, qui font disparaitre les imperfections meme après impact, d'ailleurs on ne fait jamais de tranchant contre tranchant avec un katana normalement,on pare sur les flans de la lame dans un mouvement en rotation qui amene sur le tranchant generalement, c'est pour ce cas de figure que la lame est très souple lateralement et au dos, toutefois la plupart des katanas qui servent a la coupe et au combat finissent en couteau a pain, d'où un travail d'artiste pour recuperer tout ca derriere...
http://www.lejapon.org/forum/archive/index.php/t-13178.html quelque detail sur les reprises de la lame de katana et en general sur ce forum une très bonne qualité d'intervenant sur le sujet.

Pour ce qui est des anciens katanas j'en ai vu peu avec des traces de combat mais il faut prendre plusieurs choses en compte, d'abord les katanas historique sont pour beaucoup des armes qui n'ont pas servis a la guerre, le shogun ne se salissait pas les mains... S'ils ont servis ils ont peut etre été cassé a ce moment et transformé en Wakisashi/Tanto après (poignard long et court) du coup on ne voit plus les dommages après retravail mais cela se voit au niveau de la soie de la lame... La dernière raison et sans doute la plus triste est que les americains a la fin de la WWII ont detruit un stock très important de katana historique et non historique, les lames de moindre qualité ont été fondu ou couler au large ou "perdu"...

ps: je sais que ca fait con mais je rappel qu'un katana est une arme de guerre et qu'il est très mal venu et très douloureux de faire joujou avec ... http://www.youtube.com/watch?v=OQ0wmjxYeiE Si vous avez le coeur bien accroché tapez "Katana wound" dans google et regardez les petits americains qui s'amusent...