chiné, ça te parle ?

[michel du conflent]

hep

le chiné, c'est quoi au juste ? la chaine et la trame de couleur differente ou bien la calibre du fil inégal et irrégulier ?

et en med 12 ou 13èmes ç'est envisageable ?

merci Mère-tissu

[yrwanel]

Question plus que pertinente, Michel!

définition du dico:
Chiné: ce mot est la dénomination "moderne"...issue de traitements des textiles.. chinois!
Au Moyen Age, tu trouveras dans les textes le mot "mêlé";

Là tu peux farfouiller dans des liens que j'ai mis (production textile, importation-exportation), ce type de textile mêlé est plus courant qu'on s'imagine ( et plus ancien à nettement plus ancien que le MA)

"mêlé" donc.. mélangé.
Fort bien, mais "quel mélange"?

Cette opération s'effectue au peignage ou au cardage, préparant la matière au filage.

Il y a le mélange de fibres (animales...). Ce fût pratiqué: les sources archéologiques l'attestent: laine, mais aussi poil de chèvre, de chien de lièvre, de...
Il SEMBLE que cela a concerné plus les tissages domestiques et/ou "pas guilde".
Au fil du MA, l'usage du cardage s'est généralisé par rapport au peignage (plus coûteux), ce qui a fait quelques réticences du côté des guildes, qui craignaient (à juste titre) des fraudes quant à la qualité du produit.
Il est en effet plus facile d'y fourguer discrètement des laines de moindres qualités et/ou de la laine de mégisserie, normalement interdites pour les draps d'excellente qualité.
Je précise ce détail... A côté des "draps super luxe, meilleure laine meilleure partie de toison, etc..", donc horriblement coûteux et réservés à des comptes en banques très bien fournis, il existait (comme maintenant, en fait!), des textiles plus courants, s'adressant à d'autres types de budget.

Il y a le mélange, au peignage ou au cardage, des couleurs de laine teintes en toison.
Ce mélange peut être plus ou moins "intime".
Les "pas trop mélangées" donneront les marbrés, jaspés, faisant apparaître alternativement, au filage, l'une ou l'autre couleur.
Des nuances seront créées par des mélange plus intimes et plus homogènes.
Pour information: cette "astuce" fût utilisée (puis condamnée) pour le mélange "bleu et rouge" qui imitait..; la pourpre. L'usage: on en est certain: traces archéologiques (Egypte, Irlande, Scandinavie, Grande Bretagne période ango-saxonne...).
L'interdit: la vraie pourpre est devenue "chasse-gardée" des vêtements ecclésiastiques... (donc on a traqué la "fausse")

On peut parfaitement estimer que le mêlé a existé au XIIIème, même si, là, maintenant, je n'ai pas sous la main LA super source de débris textiles à te mettre sous le nez.

Pour revenir aux mêlés: il semble, du moins de ce qu'on en sait par ce qui nous est parvenu des textes de guildes (soit pas grand chose, et plus on remonte dans le temps, moins on en a...), que Italie, nord-ouest méditerranéen, Flandres et nord de la France ont produit des mêlés. On en sait plus pour le XIVème (on a plus de textes) et parce que il y a eu pas mal de "discussions" entre "peignage et cardage".

source: D. Cardon, La draperie au Moyen Age.

Ces fils "mêlés" pouvaient se mettre en chaine, en trame, ou les deux.

[michel du conflent]

Mamie -tissu,

non seulement tu réponds mais en plus tu affines, précises, illustres et plaisantes...que du bonheur!

merci, je vais donc pouvoir investir dans du metrage de "mélé" 100% laine dans les beige blanc, au sujet duquel ma Françoise me disait "je ne me vois pas te coudre quelque chose de med là dedans....eh ben , que je vais lui repondre grâce à ton encyclopedique éthique....et toc

d'ailleurs je peux annoncer 11€ le mètre en 145 de large,c'est dans du 350g/m lineaire, ce qui fait peu ou prou du 100/120g/m²....assez fin donc, genre lin ou étamine , ideal pour chainses ou cotte d'été, ou chausses.
et comme c'est organique , bienvenues seront les teintes et les teintures de tous poils (mélés ?
c'est pas cadeau mais j'ai vu + cher aussi. je peux en avoir 12 M et j'en utiliserais surement 4...si quelqu'un est interessed....?

encore merci de tes splicures

[yrwanel]

Concerant le XIVème où se répend les mêles, il faut noter les mentions de "teintes nouvelles obtenues de cette manière: incarnats clairs, brucequins, monachini et beiges (bigi), obtenus par un savant dosage de bleu, de rouge et de blanc au besoin.
Toujours Mme Cardon.

Niveau "beige-blanc": il y avait des moutons "pas blancs unis", et des moutons plus ou moins "blancs". Parce que le "blanc de blanc", ma foi: rien de changé sous le soleil (comme le "noir de noir") voit les pub de nos lessives modernes.

Or on filait ces toisons de moutons "pas tout à fait blanc".
Pour le XIIIème, on a en restes archéologique, la tunique de Ste Claire, faite en mouton "naturel", et qui donne cet effet "flammé": robé de "pauvre" puisque non teinte...


Une personne plus fortunée pouvait porter ce même genre "d'effet" mais obtenu avec de la laine teinte, effet plus "raffiné" grâce au dosage des mèches lors du peignage (si textile de "riche") ou au cardage (textile de moins riche).

Bonne couture!