si certaines formes de danses ont été interdites par l'Eglise
Elles l'ont été, pas de doute là-dessus. Comme le seront, lors de la Contre-Réforme (tout au moins dans les Pays-Bas espagnols), tous les éléments profanes intervenant dans les cérémonies religieuses, essentiellement les processions. Ainsi en fut-il des danses d'épée.
La vrai question est comment dansait-on à l'époque et cela reste un sujet qui fera couler de l'encre
On pourrait tenter d'émettre des hypothèses sur base du type de mélodie et encore... Car s'aventurer sur ce terrain, c'est grimper une falaise avec une seule jambe et une seule main... On risque fort de dévisser grave.
Ce serait un réel non-sens de décider que les danses lentes, calmes, élaborées étaient seules dansées chez les dominants... Et pourtant, sur ce point, on peut sans doute décider que les basses-danses étaient des danses de cour et ce, à la lumière de quelques indices:
1°) ces danses sont lentes et majestueuses. Indéniablement, celui qui y participe est mis en avant, en valeur. Mais cet argument est insuffisant. Voyons donc plus loin.
2°) la basse-danse aura son heure de gloire notamment en Bourgogne (depuis Dijon jusqu'à Antwerpen-Anvers). Or, que constate-t-on sur le plan des costumes, surtout féminins: des robes lourdes, à traine, des coiffures assez incroyables (les hennins de diverses formes et encombrements tout aussi divers). Il apparaît assez invraisemblable (et c'est ce que nous tentons de montrer au sein de la Compagnie) de pouvoir danser avec ces affutiaux des danses enlevées, courues, sautées,...
Ceci ne vaut que pour les basses-danses auxquelles pourraient s'ajouter celles qui furent l'objet de publication au XVe siècle. Mais nous sommes là la fin du Moyen-Age.
Que dire pour les périodes antérieures ? Catherine Ingrassia, de Morescarole a mené une étude exhaustive sur les représentations de danse dans l'iconographie médiévale. Elle nous donne un certain nombre d'indications:
"Au XVe siècle, les pratiques de danses populaires sont très mal considérées par la haute société. A cette époque apparaît l'opposition hautes danses et basses danses ou danses planes."
Si on applique à ceci le raisonnement utilisé pour l'interdiction de l'Eglise, on peut considérer qu'avant le XVe la césure entre classes sociales est moins nette, voire inexistante. Et là je serais tenté de faire un parallèle avec les réjouissances dansées en Angleterre où, tard dans le millénaire (notamment dans les contredanses du XVIIIe) on voit évoluer ensemble la noblesse et ses obligés).
Par ailleurs, lorsqu'on interroge l'iconographie, on doit se poser certaines questions:
1°) dans quel contexte l'image est-elle réalisée ?
2°) que peut-on savoir des intentions du peintre, de l'enlumineur, du dessinateur ?
3°) est-il vraisemblable d'y lire un message ?
Sur ce dernier point, par exemple, considérons une gravure comme celle de l'arbre de mai "L"annonce faite au berger" tirée du Ms 1172 conservé à Paris (couverture de "La danse médiévale" de C. Ingrassia, C. Deslignes et X. Terrasa). Nous y voyons un groupe de bergers danser de manière désordonnée (les pas ne sont pas identiques, les attitudes non plus et sont même un peu contradictoires).
Or, dans les gravures montrant les dominants occupés à danser, ceux-ci ont des attitudes hiératiques, policées, bien ensemble...
La question à se poser n'est-elle pas la suivante: si nous voyons ces gravures sous l'angle de la propagande, ne peut-on considérer qu'elles légitiment l'ordre par rapport au désordre ? Et donc justifier le fait que les dominants ont le pouvoir, vu qu'ils savent adopter une discipline collective que n'ont pas les dominés ?